Sylvia Pankhurst : révolte, suffrage et internationalisme

Figure complexe (artiste, organisatrice sociale, journaliste, théoricienne) elle incarne l’entrelacement des luttes : genre, classe, anticolonialisme, antifascisme.

De quoi lui rendre hommage en n’en faisant un pnj intéressant.

Pour l’Histoire

Née en 1882, Sylvia Pankhurst grandit au cœur d’un foyer où l’engagement est une seconde nature : sa mère Emmeline et sa sœur Christabel mènent le combat pour le droit de vote des femmes au Royaume-Uni.

Artiste formée à Manchester puis au Royal College of Art, Sylvia dessine bannières, affiches et symboles pour la WSPU (Women’s Social and Political Union) avant d’en contester la dérive autoritaire et élitiste.

Elle se tourne vers l’East London Federation of the Suffragettes, implantée dans les quartiers ouvriers — où elle ouvre crèches, cantines, et organise des marches. Arrêtée à plusieurs reprises, elle endure Holloway et Brixton, grèves de la faim et libérations sous la “loi du chat et de la souris”.

Après 1917, Sylvia adopte des positions communistes de conseils, refuse le parlementarisme et publie Workers’ Dreadnought. Mise à l’écart par l’Internationale (1921), elle poursuit une voie indépendante, féministe, pacifiste et anticolonialiste.

Dans les années 1930, elle se fait la voix de l’Éthiopie contre l’invasion fasciste italienne, fonde le New Times and Ethiopia News, et s’installe à Addis-Abeba, où elle meurt en 1960.

De l’or noir

Sylvia Pankhurst offre une possibilité de campagne politique et populaire riche en scènes : réunions clandestines, piquets de grève, filatures, tribunaux, prisons, imprimeries de fortune, diplomatie parallèle, réseaux transnationaux (Londres–Dublin–New York–Addis-Abeba).

On y joue la tension permanente entre stratégies (réformisme vs action directe), éthiques (violence, sabotage, grève de la faim), et enjeux concrets (loger, nourrir, soigner). Le tout baigné d’une atmosphère de modernité urbaine : brouillard des docks, journaux du matin, rassemblements sur Whitechapel Road, ateliers textiles surchauffés, perquisitions nocturnes.

Idéal pour des jeux historiques, pulp-politiques, dieselpunk doux, uchronies (et pour des systèmes centrés sur les factions, les fronts sociaux, la réputation et la presse).

Amorces de scénarios

  1. Le Dreadnought du Dimanche

La police perquisitionne l’imprimerie où sort le Workers’ Dreadnought. Les PJ’s (compositrices, coursiers, typographes, avocats) doivent sauver les plaques d’impression, exfiltrer une rédactrice, et faire paraître le numéro à l’heure.
Complications : un indic infiltré, une bombe artisanale déposée par un provocateur, une révélation explosive sur un député “allié”.

  1. Pain et Roses à l’East End

Une grève des blanchisseries mixtes tourne au vinaigre : les patrons exploitent les divisions raciales et menacent de licenciements massifs. Les PJ doivent organiser piquets, caisse de grève, garderies, et protéger les meneuses des briseurs de grève.
Complications : rumeurs de sabotage, violences policières, un visiteur américain (IWW) proposant des tactiques risquées.

  1. Holloway, Porte ouverte

Sylvia est à Holloway, en grève de la faim. Un réseau médical clandestin et des gardiennes compatissantes demandent de l’aide. Évasion ? Campagne publique ? Pression juridique ? Les PJ arbitrent entre stratégie spectaculaire et négociation.
Complications : une détenue souhaite rester pour témoigner; un médecin de la prison détient des dossiers compromettants.

  1. Addis-Abeba : l’encre contre les chars

1936–39. Les PJ organisent la logistique de propagande contre l’invasion fasciste : radios, tracts, collecte de fonds, filière d’armes… entre Londres et l’Afrique.
Complications : espionnage italien, censure britannique, dilemmes moraux sur la lutte armée.

Éléments jouables

Faction : East London Federation

  • But : Suffrage universel, salaires décents, services sociaux pour mères et enfants.
  • Ressources : cantine ouvrière, crèche, salle de réunion, atelier d’affiches.
  • Faiblesses : caisses vides, surveillance policière, dissensions internes (légalisme vs action).

PNJ : Sylvia Pankhurst

  • Compétences mises en jeu : Organisation communautaire (réseaux, intendance), Presse (écrire, éditer, imprimer), Charisme moral (rallier, négocier sans céder), Résilience (grèves de la faim, prison).
  • Motivations : Autonomie du mouvement, lien avec les plus pauvres, internationalisme.
  • Secrets possibles (au choix du MJ) : Une filière de faux papiers; un contact au sein de la police; une lettre d’un chef d’État africain.

Lieu : Imprimerie de Old Ford Street

  • Aspects : odeur d’encre, casse de caractères, ronron des presses; cache sous le plancher.
  • Clés de scène : tirage de nuit, intrusion, sabotage, course pour attraper la dernière édition du matin.

Objet : La Médaille de la Grève de la Faim

  • Usage en jeu : une fois par session, transformer une défaite sociale en match nul (le geste impressionne l’opinion), au prix d’un coût corporel/mental.

Mouvement/Manœuvre : “Pain, garderies, vote !”

  • Effet : si les PJ organisent un service social (cantine, crèche, secours médical), ils gagnent Avantage sur leurs actions politiques locales pendant une semaine de jeu.

Front antagoniste : Bureau des Troubles Politiques

  • Outils : filatures, infiltration, saisie de matériel, rumeurs dans la presse hostile.
  • Objectif : pousser le mouvement à la faute (violence, illégalité visible) pour le discréditer.

Tables rapides

1d6 – Événements de rue

  1. Contre-manifestants nationalistes déboulent, drapeaux et projectiles.
  2. Pluie battante : bannières illisibles, voix couvertes, jet de dés à désavantage.
  3. Oratrice ouvrière harangue la foule, double l’affluence — mais insulte un député allié.
  4. Photographe de grand quotidien : une photo peut faire ou défaire la réputation d’un PJ.
  5. Chat et souris” : libération conditionnelle d’une camarade affaiblie, course contre la montre pour la cacher.
  6. Patrouille montée : menace de charge si la foule ne se disperse pas.

1d6 – Coups de théâtre politiques

  1. Lettre de Lénine publiée… ou mal citée.
  2. Donateur mystère : argent propre ?
  3. Une syndicaliste afro-américaine demande la tribune : bouscule les préjugés locaux.
  4. Perquisition annoncée : que sauver de l’imprimerie ?
  5. Député travailliste vacille : marchandage d’amendement.
  6. Scandale sanitaire dans une blanchisserie : fenêtre médiatique.

Cadres de campagne

Campagne A : L’East End en ébullition (1912–1914)

  • Arcs : construction des services sociaux, marches, confrontations avec WSPU “bourgeoise”, prison/Holloway.
  • Finale : immense marche sur Westminster; choix entre unité fragile des mouvements ou fracture stratégique.

Campagne B : L’Internationale intranquille (1919–1921)

  • Arcs : conseils ouvriers, journaux, ruptures avec Moscou, débats sur élections/illégalisme.
  • Finale : congrès houleux ; fondation d’un courant autonome… et conséquences.

Campagne C : Éthiopie, la dignité assiégée (1935–1939)

  • Arcs : contre-propagande, réseaux de soutien, diplomatie citoyenne.
  • Finale : ultimatum moral : appeler à l’embargo total, saboter un navire d’armes, ou révéler un dossier d’État.

Conseils au MJ

  • Montrer le concret : faim, horaires, loyers, coût du papier, garde d’enfants. Chaque victoire politique naît d’une logistique réussie.
  • Donner une voix à la presse : fausses citations, caricatures, tribunes alliées. Les journaux sont des “jets” récurrents qui modifient l’humeur publique.
  • Respecter la pluralité : féminisme ouvrier, socialisme parlementaire, anarchisme, communisme de conseils, syndicalisme chrétien… L’intérêt vient du choc stratégique, pas d’un camp “pur”.

Épilogue possible

Une dernière édition du Workers’ Dreadnought sort des presses à l’aube. Sur la une, la photo d’une crèche bondée et d’une ouvrière souriante : “Nous ne demandons pas la permission d’exister — nous construisons la société qui nous manque.”
Que les PJ l’aient gagné par la persuasion, la patience ou la désobéissance, la partie se mesure au nombre de vies rendues vivables.